Hugh Coltman

Hugh Coltman

Shadows - Songs of Nat King Cole est un projet que Hugh Coltman mûrit depuis plusieurs années. Son parcours et le début de sa carrière l'amènent loin des sphères du Jazz. Il mène depuis 20 ans un projet blues : The Hoax avec lequel il continue de tourner, et publie en parallèle deux albums solo résolument Pop chez Mercury (Stories From The Safe House — 2008 ; Zero Killed — 2012) qui font découvrir ce chanteur British, parisien d'adoption, à un public séduit par sa voix unique, puissante et rocailleuse, et sa musique pop / folk sensible et douce. C'est une rencontre avec Eric Legnini lors de l'émission « One Shot Not » qui le fait basculer dans cet univers Jazz. Eric l'invite rapidement à remplacer Krystle Warren sur la tournée de son projet « The Vox » en 2012. Un remplacement qui fera rapidement place à une collaboration, puisque Hugh suit le groupe d'Eric en tournée pendant deux ans et enregistre un album « Sing Twice !» en leur compagnie. Une période clé dans l’élaboration de ce projet autour de Nat King Cole : Hugh Coltman trouve rapidement le moyen d'exprimer tout son talent dans ce style de musique qui connaît pourtant nombre de références et de légendes. Une forme d'émancipation par la scène en quelque sorte, qui fait germer l'idée d'un projet autour d'un répertoire Jazz. D'autant qu'autour de lui, il semble régner un parfum d’évidence, et tout le monde ne cesse de lui poser la même question : « il est pour quand ton projet jazz rien qu’à toi ? ». Pour toutes les personnes qu’il a pu croiser sur les routes grâce à Eric, Hugh avait sa place dans cette famille musicale, et mieux que ça : il y était attendu. Nat King Cole s'impose alors rapidement à Hugh Coltman, et pour plusieurs raisons : En plein lecture de sa biographie au moment de la préparation de l'album et du choix des titres qu'il souhaite reprendre, il s'interroge sur le quotidien d’un musicien noir américain au tournant des années 40, à une époque où sévissait la ségrégation et où les artistes noirs devaient entrer dans les salles de concert par la porte de service. Un quotidien qui semble être aux antipodes de ce que nous a légué ce chanteur unique, premier afro-américain à animer une émission à la télé, au sourire gravé dans le marbre, qui a vendu des millions de singles et inscrit son nom dans le Hall of Fame de cette musique centenaire. Pourtant en 1956, Cole lui-même échappe de peu à un kidnapping dans l’état d’Alabama et malgré son succès, il n’est clairement pas le bienvenu à Beverly Hills où il reçoit des menaces du Ku Klux Klan peu de temps après s’y être installé avec sa famille. « Je ne comprends pas... déclarait Cole. Je n’ai participé à aucune manifestation. Et je ne fais partie d’aucune organisation de lutte contre la ségrégation. Pourquoi s’attaquent-ils à moi ? ». Le titre : « Small Towns are Smile Towns » — paru quelques temps après son agression — prend alors un sens différent ou l'Amérique idyllique et ses bourgades accueillantes de l'après-guerre ne sauraient cacher la part d'ombre d'une société raciste. Dans ses recherches, Hugh réalise qu'une certaine partie du répertoire de Cole peut se lire sous un angle différent : « Smile » — titre phare du répertoire de Cole — ne toucherait-il pas plus au désespoir et à la résignation qu'à l'espérance ? Et que dire des premières paroles de « Pretend » qui sonnent comme un aveux : « Pretend you're happy when you're blue / It isn't very hard to do". L’intention de Hugh était donc de révéler ces «Ombres », rarement, voire jamais perceptibles dans les choix artistiques de Cole. La sélection des titres de Shadows, la production et les performances vocales de Hugh, enracinées dans sa passion pour le blues, offrent à l’ensemble une nuance de tension, parfois même de malaise. Autour des titres phares du « King » Cole, tels que « Nature Boy » — à l'interprétation mélancolique et aux arrangements épurés — « Are you disenchanted » ou le sublime « Mona Lisa » porté par une nostalgie à fleur de peau, Hugh intègre des titres moins connus comme « Annabelle » ou « I Never Had a Chance ». Une véritable performance vocale, pleine d'une émotion pudique, d'une sensibilité juste et touchante, tant Hugh Coltman s’approprie ce répertoire à travers le prisme de ses racines blues et pop. Arrive alors l'enregistrement de l'album. Il fait bien évidemment appel à Eric Legnini pour la réalisation artistique après un travail commun autour des arrangements. Treize titres qu'il a souhaité enregistrer dans des conditions live pour retrouver ce grain et cette ambiance des enregistrements de l'époque. Un album qui s'inscrit pourtant dans une forme de continuité puisqu'on y retrouve l'univers de Hugh Coltman et une certaine cohérence artistique avec ses précédents projets. Dernier jour de studio : dernier morceau. Gael Rakotondrabé le rejoint au piano pour les prises de « Morning Star » : une ode à l’amour d’une mère pour son enfant. Pris par l'émotion, il lui revient aux tripes que Cole était l'un des chanteurs que sa mère écoutait si souvent dans sa maison familiale de Hankerton (à côté de Bristol) ; que sa musique s'est inscrite dès son plus jeune âge dans ses gènes et sa culture musicale, jusqu'à ce que sa mère disparaisse prématurément quand il avait sept ans. Il lui est alors clairement apparu que ce projet le concernait bien plus personnellement qu’il ne l’avait imaginé. D'une démarche intellectuelle, le voilà rattrapé par l'émotion : la boucle est bouclée. Et ce n'est qu'au moment d'enregistrer les dernières notes de cet album que Shadows, Songs Of Nate King Cole, se révélé finalement comme un hommage à sa mère... à travers la musique de Nat King Cole.