We Were Evergreen

We Were Evergreen

Une fille, deux garçons, un milliard de possibilités sonores. Avec une moyenne d’âge tournant autour des 25 ans, Fabienne, Michael et William ont déjà parcouru un bon bout de chemin. Indéniablement curieux et prompts à la réflexion, ils ont pris leur temps pour ce premier album – l’une des meilleures nouvelles du printemps 2014.

Si Fabienne et William alignent chacun de longues années passées au Conservatoire, l’une à Paris et l’autre dans le sud-ouest, Michael, lui, s’est formé dans un cadre moins académique. Alors qu’ils évoluent dans des milieux parallèles (les prépas littéraires), Fabienne et Michael se rencontrent dans un cours de théâtre. La première succombe au charme des compositions du second. Ils croisent ensuite le chemin de William. Nous sommes en 2008, et We Were Evergreen est né. « C’est en jouant ensemble que nous avons appris à nous connaître », confirme William. Le nom du groupe vient du même désir, celle de proposer différents niveaux de lecture à la pop music. Ce mot désignant la famille des arbres ne perdant pas leurs feuilles en hiver, Evergreen évoque aussi la jeunesse éternelle…

Dès 2010, le groupe donne des petits concerts en appartement à Paris. On lui propose la même formule à Londres. Dans le public, un agent d’artiste. Enthousiasmée, elle demande au trio de revenir pour des concerts en Angleterre et devient rapidement leur manager. En septembre 2011, les trois musiciens quittent leurs jobs respectifs et larguent les amarres pour Londres. Très vite, We Were Evergeen se fait un nom sur une scène pourtant sans cesse sollicitée, et se retrouve à assurer les premières parties de Villagers, Slow Club, Michael Kinawuka ou encore Baxter Dury. « Une formation accélérée au sein d’un lieu où il faut s’imposer parmi les nombreux groupes locaux », selon Michael. Tandis qu’ils sillonnent l’Angleterre, ils tapent dans l’œil du label Island, qui sera leur maison de disques hors de la France, terrain confié à Because.

We Were Evergreen a ce petit twist en plus quasi indescriptible. Une énergie savamment canalisée, une poésie flottante, et, surtout, un sens captivant du rythme. Chacun a grandi bercé par des influences très variées, de la pop anglo-saxonne au jazz en passant par le classique et la chanson française. Puis ils ont voyagé. Et ensemble, ils ont confirmé leur penchant naturel pour ce qu’on appelle trop communément les musiques du monde, des mélopées brésiliennes à la Jorge Ben et Novos Baianos aux rythmes africains. Si le trio a fait ses armes en pratiquant un folk acoustique quelque peu ludique, il en est rapidement venu à la conclusion que l’organique devait s’enrichir de l’électronique. Ainsi s’est façonné un son mué par des boucles et une utilisation pertinente de la répétition. Sur scène, on voit Fabienne aux claviers et au xylophone, William aux rythmiques et à la guitare, Michael aux cordes et aux cuivres.

Baptisé Towards parce qu’il s’agit avant tout de directions à prendre et de mouvements à choisir (ascendants ou descendants, qu’importe, le principal étant d’évoluer), ce premier album obéit à un format pop tout en cherchant l’innovation. « Chaque morceau est un conte en lui-même, explique Michael, pierre mythologique d’une grande histoire universelle. La grande question est : qu’est-ce que bouger ? Vers quoi nous dirigeons-nous ?» L’appartenance, l’identité, le voyage, l’ailleurs et ses rituels inconnus sont les thèmes qui reviennent le plus souvent dans des morceaux qui réussissent à ne pas être exclusivement cérébraux. Produits par Charlie Andrew, entre autres producteur d’Alt J, les douze morceaux ici présents sont exigeants, réchauffés par des échos exotiques et des mélodies accrocheuses. « L’ambiguïté, la profondeur et la matière nous importent énormément, mais on s’amuse toujours beaucoup. Nous n’avons rien contre la légèreté ! », affirme Fabienne, et l’auditeur l’entend. Ce plaisir de varier et détourner les sons, de cultiver un éclectisme instrumental les rapproche d'une famille réunissant aussi bien The Dø ou François & The Atlas Mountains que Tune-Yards, Metronomy et Dirty Projectors, avec l'esprit absurde et poétique d'un Fellini ou d'un Boris Vian.

Lorsqu’on ouvre un dictionnaire d’anglais, on lit qu’au sens figuré, evergreen signifie très précisément « indémodable, impérissable ». C’est tout ce que l’on souhaite à la musique de Fabienne, Michael et William – et c’est ce qu’elle est déjà. Car le trio ne compte pas s’arrêter aux frontières tant géographiques que musicales… Nous ne sommes qu’au début du voyage.