Yael Naim

Yael Naim

D’où vient notre fébrilité à l’écoute des premières notes d’une nouvelle chanson? Comme un pressentiment sur lequel on ne peut pas mettre de mots, comme la furieuse envie de ne pas monter sur le plongeoir à 3 m. Oui mais voilà, on a une vie à vivre, une peur à surmonter et des émotions à ressentir. Alors play. Le nouvel album de Yael Naim s’ouvre avec une voix. La sienne, immédiate et nue, sans la parure d’un band qui chauffe la place. Yael est de celles qui chantent avec insolence et cruauté. De celles qui savent que l’art n’a pas grand chose à voir avec la politesse. Qu’une joie, pas plus qu’une larme, ne frappe jamais avant d’entrer. Older. 11 chansons plus tard, un harmonium s’éteint lentement, équivalent d’un The End prématuré qui nous rappelle déjà qu’il est l’heure de rallumer la lumière et de sortir voir quel temps il fait dehors. Quelques questions taraudent un peu : la dernière fois qu’on a vibré comme ça, c’était quand finalement ? La dernière envie incontrôlable de se joindre aux choristes en moulinant les bras, sans craindre le regard du voisin dans le tgv ? La dernière lettre qu’on a écrit à quelqu’un? Yael Naim a quatre ans de plus. David Donatien aussi. Older. Ensemble ils composent et produisent depuis dix ans une musique sans autre âge que celui de nos vies rêvées. Depuis New Soul, ces deux là ont leur rond de serviette à la table de nos classiques, mais les chansons du nouvel album se confrontent à une autre forme de temps. Transmettre à un enfant et vivre en l’absence de ceux qui nous ont transmis. Surmonter sa peur de jouer la musique d’une vie. Rire avec le sérieux un enfant. Transformer tout ça en chansons. Jusqu’ici Yael écrivait et composait seule. Sur Older, David Donatien a co-composé quatre chansons sans cesser d’imaginer comment allait sonner suite de son histoire avec Yael. Ce chapitre s’est écrit aux côtés d’un drôle d’orchestre : Les 3some Sisters, ou lorsque trois personnages de Russ Meyer sont recrutés par Tim Burton pour chanter les Suprêmes ; Le batteur et légendaire metteur en son du funk moite des Meters « Zigaboo » Modeliste ; Le banjo et le chant d’une blueslady créole nommée Leyla Mc Calla ; Une chorale d’enfants rejoints par un choeur d’anomymes recrutés online ; les lignes de bass heroe de Daniel Roméo, sans oublier ce qu’il faut de cuivres et de cordes pour que le film ne manque pas de plans larges. Puis Michael H. Brauer a donné la dimension nécessaire à toute forme d’ambition sonore. Puis on a appuyé sur play et écouté la première chanson du nouvel album de Yael Naim. Alors, au moment de retourner vivre sa vie, on se dit en souriant que Yael et David ont écouté Morricone et Bush (Kate), qu’ils ont probablement pleuré comme nous sur Nina et Joni et qu’ils dansent aussi bien sur du Motown que sur un son soundcloud bricolé. On se dit enfin qu’ils aiment de toute évidence la musique et l’époque. Et on cesse très vite de comparer. A l’heure de remonter sur le plongeoir un nouveau pressentiment affleure : Yael Naim s’est installée dans nos vies et on vieillirait bien ensemble. Older.