Nosfell

Nosfell

C'est l’histoire d’un petit garçon pas comme les autres. La nuit, son père le réveille pour lui faire raconter ses rêves. Il s’adresse à son fils dans des langues inconnues, lui dicte des listes de mots que l’enfant doit apprendre, réciter « comme des mantras ». Adolescent, à la maison, à Saint-Ouen, il s’éveille à la musique en écoutant Bowie. Étudiant, il apprend le japonais. Un mélange stimulant de mythologie paternelle et d’appétence pour l’art ainsi qu’un attrait pour les civilisations éloignées l’amènent à composer ses premières chansons. En anglais, d’abord, pour faire comme les maîtres. Et puis, en klokobetz, un langage qu’il crée de toutes pièces à partir du souvenir des paroles de son père, de ces fameux mots un peu magiques qui continuent à résonner en lui. « Je les répétais comme des psaumes… », se souvient-il. Élaborant une syntaxe rigoureuse, aidé par ses connaissances linguistiques et son imagination bouillonnante, il bâtit sa propre légende familiale, faite de ses histoires à lui, des histoires de ses ancêtres, réels ou fantasmés. Guitare à la main, il part sur les routes à la rencontre de son premier public, dans les bars et les petites salles de concert. 2004. Le grand public découvre Nosfell, son premier album Pomaïe Klokochazia balek et ses chansons que personne ne comprend. Et là, surprise : sa voix est multiple, passant, d’un couplet à l’autre, d’un timbre rauque et caverneux aux aigus cristallins. Sauf que cette prouesse vocale qui ravit les critiques n’est pas une démonstration technique. « Même si je la considère comme un instrument de musique à part entière, explique-t-il, la voix n’existe jamais pour elle-même. Elle est en dialogue avec le langage. » Le langage étant lui-même l’expression de ses rêves. Sur scène, Nosfell est un performeur hors pair. « J’ai choisi les tatouages comme costume de scène. Ils sont des illustrations des histoires de mon père et de mes propres histoires. » Sa peau, c’est une grande carte aux trésors. Une frontière poreuse entre le Nosfell quasi mystique à la voix venue d’ailleurs, et l’homme qui reconnaît « faire de la musique pour être plus sociable, pour être une meilleure personne », passant son temps libre auprès de sa famille, à Saint-Ouen, qu’il n’a pas quitté. L’artiste entretient le flou autour de son identité. « Sur les trois premiers albums, Nosfell est un personnage, une sorte de mise en abîme de moi-même, explique-t-il aujourd’hui. Il est là pour raconter des histoires. Mais il ne cesse d’évoluer. » Il multiplie les collaborations, avec feu Daniel Darc ou Bertrand Belin notamment, compose la musique de deux pièces de Decouflé. En 2014, l’album Amour massif est salué par les mélomanes. Retour à la langue française, avec la complicité de Dominique A et de Dick Annegarn, invités sur ce disque. Seuls le premier et le dernier morceau sont chantés en klokobetz. Une esthétique sombre, chamanique, rock et sensuelle continue à l’entourer. Cette année, à 40 ans, il part en tournée jouer des morceaux issus de ses quatre albums, et quelques titres inédits. « Je n’ai pas de promotion à faire, pas d’actualité, et cela me plaît de retrouver la scène de cette manière, d’être très présent physiquement sans rien avoir à défendre. » Nosfell bénéficie du soutien de la SCPP, du CNV et de l'ADAMI. L’Adami expérimente un dispositif d’accompagnement d’un an : Adami 365. Ce programme est réservé aux artistes ayant un projet musical global, porté par leur propre structure. Nosfell en est le premier bénéficiaire.